GÉOGRAPHIE de la RELIGION GAULOISE

Carte cliquable de la Gaule antique

Cliquer sur une région pour accéder à un aperçu des divinités y honorées sur les épigraphies.

carte de la Gaule par province du Bas-Empire
Les couleurs indiquent les provinces augustéennes, les lignes rouges les limites des provinces tardives (voir l’explication schématisée infra). (Plus d’informations sur cette carte)

On a suivi ici les provinces de la Gaule tardive, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, les limites de celles-ci sont relativement bien connues grâce à des documents comme la Notitia Dignitatum. En plus, les provinces tardives englobent des régions relativement compactes et homogènes. Si on cherchait à créer nos propres petites régions de base, chacune ayant sa propre identité au sein de la Gaule, elles correspondraient à peu près à ces provinces-ci. Enfin, ces provinces ont connu une longue postérité comme les archevêchés de l’Église catholique médiévale. Pourtant, elles sont d’origine « païenne » (elles datent pour l’essentiel de l’ère de Dioclétien). Ce sont donc des exemplaires importants de la continuité de la période gauloise antique jusque dans la période moderne.

Diversités régionales dans la religion gauloise

Les érudits d’autrefois caractérisaient les Celtes comme une grande unité essentielle qui transcendait l’espace et le temps. Le « génie celtique » savait se ressurgir aussi bien à côté d’Alexandre le Grand en Anatolie que face à Strongbow en Irlande un millénaire et demi plus tard. Aussi, on confondait librement Mercure à Lug Lamfata, Jupiter à Taranis, Apollon à Mabon vab Modron. Peu importe le contexte historique ou le caractère varié de nos sources — la brume circulant autour des menhirs les met à nulle. Bien des néo-païens n’ont pas seulement accepté des propos problématiques de ce genre, mais ont aussi travaillé à substituer de parfaites fantaisies « celtisantes » aux précieux restes de nos vrais savoirs sur les Celtes.

L’opinion scolaire n’est pas, pourtant, restée immobile ; on met l’accent souvent aujourd’hui sur la fragmentation de la religion celte. Les habitants de chaque localité adoraient, dit-on, une multiplicité incompréhensible de dieux et d’esprits dans un animisme parfaitement anarchique.

Toutes ces deux perspectives tendent malheureusement à cacher plus qu’elles n’éclaircissent. Certes, on trouve un peu partout des dieux et des noms divins propres à la localité. Mais dans une cité donnée, le nombre de divinités n’est jamais si excessif qu’on puisse prétendre que les Gaulois adorassent n’importe quoi — il s’agit non pas de chaos mais de panthéons civiques. Les Éduens vénéraient alors les dieux des Éduens, qui pourraient ressembler de près ceux des Leuques, ou pas. Qui est de plus, il existait à côté du panthéon civique une politique de laisser faire par rapport aux cultes romains ou orientaux.

D’ailleurs, il y a d’importants points en commun au niveau régional voire supra-régional. Dans bien des cités, les dieux régionaux et supra-régionaux l’emportent nettement — surtout si l’on compte les dieux adorés sous leurs noms latins.

Confinons-nous d’abord aux noms indigènes connus dans les inscriptions. Il est possible de tracer les limites d’un nombre de régions cultiques cohérentes. D’abord les régions non celtiques :

I. De la rive gauche de la Garonne jusqu’aux Pyrénées. Cette région est liée aux Ibères et/ou aux proto-Basques. Leurs théonymes et modèles de syncrétisme diffèrent d’une façon marquée de ceux des régions celtiques.

II. De la rive gauche du bas Rhin jusqu’en Flandres français. Les théonymes indigènes de cette région ne sont ni celtiques, ni peut-être même germaniques, semble-t-il. Les déesses — surtout les Mères chez les Ubiens, Nehalennia chez les Bataves — sont prédominantes. Il y a pourtant une certaine présence de cultes celtiques, introduits sans doute à travers les importants liens commerciaux et militaires entre cette région, la Gaule intérieure et la Grande-Bretagne.

III. Le sud-est ligure. Les régions niçoise et alpines sont relativement peu pénétrée d’influences celtiques. C’est plutôt sur un substrat ligure qu’on érige l’édifice de la culture hellénistique (comme à Antibes) et romaine (comme à Fréjus).

On passe de ces trois régions un peu périphériques au cœur des territoires celtiques. En premier lieu, les différences nord/sud sont capitales.

IV. Au sud, les Mars sont fréquemment dotés d’un surnom strictement local, les Mercure à peu près jamais. Les dieux et déesses épars, dont les noms ne s’attestent qu’une ou deux fois, sont plus fréquents que dans le nord. Le dieu celtique le plus fréquent est souvent Apollon Bélénos ou Apollon Borvon/Bormanus. On rencontre souvent des Mères et d’autres déesses aux pluriel. En général, un bon nombre de dieux sont propres à la cité : Nemausus, Jupiter Pœninus, Andarta en sont des exemples notables. On ne les trouve guère en dehors de leurs propres cités, voire d’un seul site. Il s’agit ici des provinces narbonnaises (I, II) et viennoise. Cette région a été colonisée par Rome assez tôt ; de plus, elle avait cohabité pendant bien des siècles avec l’influente polis hellénistique de Marseille et avec ses nombreux comptoirs.

V. La région du nord et du centre se démarque par la présence d’une suite de dieux caractéristiques, comme Rosmerta, Epona, Sirona, les Suleviae, Erecura et Boudena. D’autres divinités, comme Damona ou Sucellus, sont importantes sur le plan sous-régional. En général, toutes ces divinités sont absentes ou rares tant dans le sud qu’en Grande-Bretagne. Les Mars indigènes sont très fréquents, mais leur nombre est limité tant horizontalement (sont attestés seulement Loucetius, Caturix, Lenus, Cicolluis, Camulus plus d’une fois) que verticalement (seuls deux épithètes martiaux dans la plupart des cités). Mars est accompagné quelquefois d’une parèdre comme Ancamna ou Litavis. Mercure est plus important ici ; quand il porte un surnom celtique, c’est souvent Cissonius, Visucius, Cimbrianus ou Vosegus, qui sont régionalement répandus. Les Mères sont moins fréquentes qu’au sud, beaucoup moins fréquentes que sur le bas Rhin. Les dieux et déesses épars ne sont pas forcément nombreux, et quelquefois on les rencontrent dans plus d’une cité, par exemple Souconna, Ucuetis, ou Aveta. Cette région cultuelle, qui présente tant de points de convergence, s’étend de Gaule lyonnaise (I, Max Seqq.) et belgique (I, II) jusqu’en Germanie supérieure, voire en Rétie.

VI. L’ouest garde une grande partie de ses secrets en vue de la paucité relative d’inscriptions. Sont généralement absents les indicateurs d’appartenance tant au sud (essentiellement Bélénos) qu’au nord (particulièrement Sucellus, Rosmerta, les Suleviae, Epona). D’autres théonymes septentrionaux s’attestent rarement : Cisonius, Damona, Sirona, Erecura, Visucius. Mars Mullo a une certaine importance (sous-)régionale. Cette région s’étend de la Seine et du Massif central jusqu’à l’Atlantique en comprenant la basse-Lyonnaise (II, III) et la grande Aquitaine (I, II).

Il faut noter que ce résumé-ci ne prend pas systématiquement en compte les figurations. De plus, on n’a décrit supra que les théonymes indigènes. Ceux-ci suffissent cependant à démontrer que la variation cultuelle en Gaule romaine n’est pas sans structures. Pour arriver à un portrait plus précis, on devrait y ajouter d’autres dieux adorés sous leurs noms romains (dont Mercure, Jupiter, Vulcain, Victoire, Hercule, Silvain, Diane, parmi d’autres, présentent des spécificités intéressantes), le culte impérial, les cultes orientaux (notamment ceux de Mithras, de Cybèle, d’Isis, et de Jupiter Dolichénien)... Mais de toute façon, l’idée d’une anarchie animiste est aussi inacceptable que l’essentialisation ahistorique de la fantaisie celtisante.

Évolution des provinces gauloises

Ère de Jules César Ère d’Auguste Ère flavienne Notitia Dignitatum Approximation moderne
Gallia Transalpina Gallia Narbonensis Gallia Narbonensis Narbonensis I Languedoc
Viennensis Savoie, Comtat...
Narbonensis II Provence, Alpes
Gallia Comata Aquitani Gallia Aquitania Gallia Aquitania Nouempopulana Gascogne, Pays basque
Celtae Aquitania I Massif central
Aquitania II Poitou, Bordelais...
Gallia Lugdunensis Gallia Lugdunensis Lugdunensis I Bourgogne, Lyonnais
Lugdunensis Senonia Bassin parisien
Lugdunensis II Normandie
Lugdunensis III Bretagne, Val de Loire
Germania Superior Maxima Sequanorum Suisse, Franche-Comté
Gallia Belgica Germania I Alsace, Palatinat...
Gallia Belgica Belgica I Lorraine, Luxembourg...
Belgae Belgica II Picardie, Flandres...
Germania Inferior Germania II Rhénanie, Limbourg...
La géographie de la Gaule « chevelue » (Gallia comata) à l’époque de Jules César est discutée (quelles peuplades précisément constituent les Belges, par exemple ?). Le divin Auguste aurait organisé les provinces gauloises en les Trois Gaules vers –27. Les Germanies (-Supérieure et -Inférieure) seraient effectivement sous gouvernance militaire ; on les ont érigé en provinces formelles pendant les années 80 de notre ère, tout en augmentant énormément les limites de Germanie-Supérieure. Ces limites-ci durèrent pendant deux siècles au moins. La réorganisation presque totale des provinces attestée dans la Notitia dignitatum date probablement de l’époque de Dioclétien.
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