IVNONI REGINAE : à JUNON la REINE

Tête en bronze
Tête de déesse en bronze, dédiée par un citoyen de Vienne. À identifier comme Junon, à condition de ne pas être une figure allégorique. Elle porte un diadème. Provenance : Serpaize (Isère).
(Musée de la civilisation gallo-romaine, Lyon)

Le caractère de Junon est aussi complexe que les idées contradictoires que la société porte sur la femme. Junon, reine des dieux, souveraine des cieux, est l’antagoniste principale de l’Énéide comme de l’Iliade. Elle protège les femmes, surtout les enceintes, et veille à l’inviolabilité du mariage. C’est pourtant elle qui aurait défendu à Latone de donner naissance à Apollon et Diane en raison de l’adultère de son propre époux Jupiter qui a produit ses augustes beaux-fils.[1] En un mot, elle incarne tout ce que les anciens ont pu pensé de la Femme, de l’Épouse, de la Reine : fierté, caprice, jalousie, puissance, séduction, maternité.

Les dédicaces gauloises à Junon ne sont pas rares. Leur contexte est normalement avec Jupiter Optimus Maximus, ce qui souligne le rôle complémentaire des deux comme roi et reine des cieux. En effet, ces deux divinités olympiennes — frère et sœur, époux et épouse — veillent ensemble au bon ordre du cosmos. La tension qui existe entre eux, motif constant de leur mythologie, est celle qui met en motion le dynamisme de l’univers comme le yin et le yang.

Avec Minerve, fille de Jupiter, ce couple constitue la Triade Capitoline, les garants de la stabilité de l’État romain depuis le saint temple du Capitole. Très souvent, ce sont les trois ensemble qu’on invoque en Gaule, le plus souvent le long du Rhin (c.-à-d. en zone militaire), pour assurer le salut de l’Empire que ces soldats luttaient pour protéger. Dans ces contextes, les invocations de Jupiter et de Junon comprennent souvent de longs séries d’autres dieux, voire « tous les autres dieux et déesses immortelles ».[2]

Junon intrônisée
Statue en marbre de Junon en trône.
(Rheinisches Landesmuseum, Trèves)

Comme la femme s’associe, tant bien que mal, à la domesticité, Junon a un rôle particulier dans le culte domestique. Les kalendes — premier jour de chaque mois — lui sont dédiées,[3] et c’est donc elle qui reçoit un culte mensuel dans tous les foyers romanisés devant un petit autel dédié aux lares (les dieux de la maison). C’est à Junon l’empire de la sphère privée, comme Jupiter préside à la sphère publique. La Mère des lares (Mater Larum) est une proche de Junon (du moins pour les Frères arvales à Rome). Les personnes de sexe féminin sont guidées non par un « génie », mais par une « junon ». On peut comparer ces puissances-ci aux Sulévies issues apparemment d’une tradition celtique. Une inscription à Rinxent (Pas-de-Calais) invoque même les « Sulévies junons », et c’est peut-être les Sulévies qu’il faut entendre par la quinzaine d’inscriptions en l’honneur collective des junons en Gaule belgique et en Germanie-inférieure.[2]

Le culte de Junon la Reine s’inscrit normalement dans les milieux romanisés — zone militaire du Rhin, centre administratif de Trèves, colonie de Nîmes, etc. Cependant, on se demande si Junon, à qui on accorde presque toujours le surnom de Regina « reine », aurait parfois repris dans un contexte gallo-romain le culte d’une déesse celtique Rigana, qui est attestée dans une dédicace en langue gauloise rigani rosmertiac, « à la Reine et à Rosmerta ».[4] On rapproche parfois Rigana d’Epona, elle aussi divinité aux compétences régaliennes.

Les attributs de Junon sont le sceptre, le diadème et parfois la patère. Son animal favori, c’est le paon, et parfois aussi le coucou et le corbeau. La grenade, en tant qu’emblème des noces, peut lui être sacrée,[1] encore que l’association de ce fruit avec Pluton et Prosperine soit peut-être plus forte.


Références

English (Shakespeare)
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Deutsch (Goethe)
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